Voyage au cœur de la fleur, des produits de la ruche et de l’allergie

Claude Nonotte-Varly 

La germination du grain de pollen a été observée pour la première fois en 1824 par l’italien Giovanni Battisti Amici. Etape fondamentale dans la pollinisation florale, la germination repose sur des mécanismes complexes fondés sur des molécules et des protéines qui composent le protéome. Le facteur déclenchant de la germination est la réhydratation du grain de pollen qui peut s’effectuer dans diverses circonstances en fonction de l’espèce botanique, de la météo, du lieu où se pose le grain de pollen. Les conséquences sont diverses : fécondation florale, alimentation de pollinisateurs, inflammation immunitaire chez l’allergique.

Nous vous proposons un voyage au cœur du microcosme moléculaire du protéome, avant d’en explorer les conséquences au sein de la botanique et, enfin, pour terminer sur la relation produits de la ruche (PR) – allergique au pollen.

Voyage au cœur des histoires de la protéomique

La pollinisation et la fécondation sont des étapes essentielles de la reproduction sexuée des plantes à fleurs. Lorsque le pollen se dépose sur un pistil, c’est le début d’une longue aventure. Le matériel génétique mâle est entraîné dans le tube pollinique qui germe depuis le grain de pollen et va s’enfoncer jusqu’à l’ovule floral.

Au départ, le pollen contient deux cellules (végétative et germinative mâle) avec des noyaux aux fonctions bien différentes. Le noyau végétatif s’engage en premier pour recruter les matériaux et construire le tube pollinique jusqu’à l’ovule. Le noyau germinatif avec le matériel génétique progresse dans le tube pollinique où il se divise pour une double fécondation de l’ovule.

Préalablement à sa dissémination, le grain de pollen est déshydraté pour le protéger du stress environnemental. Il devient mature et il est recouvert à sa surface des éléments divers comme des cires, des lipides, des caroténoïdes, des polyphénols, des flavonoïdes, des  phytohormones et des protéines.

Au contact du stigmate floral, la surface du pollen se réhydrate. Le pollen subit alors une tension de surface et adhère aux papilles du stigmate. Dès cet instant, le protéome de l’enveloppe du pollen est déjà en action pour l’adhérence et l’hydratation du pollen, la reconnaissance du stigmate et la communication pollen/stigmate, la germination du pollen et la progression dans le stigmate. Une fécondation réussie dépend de la croissance dirigée du tube pollinique mâle vers les synergides dans le tissu femelle. Pour un guidage réussi du tube pollinique, les tissus féminins produisent un assortiment d’ions et de molécules de communication attractives et régulatrices (calcium, GABA, sérine, peptides, etc). Quelques composants de ce protéome sont intéressants car potentiellement allergisants. La protéine de transport lipidique (LTP) intervient dans l’adhérence du tube pollinique au contact du stigmate floral. La profiline régule la polymérisation de l’actine apicale pour contrôler la croissance polarisée du tube pollinique. La pectate lyase interagit avec la calmoduline dans le contrôle de la germination du pollen en régulant l’émergence et la croissance du tube pollinique. La protéine de régulation de gibbérelline (GRP) contrôle une phytohormone (gibbérelline) qui participe à la viabilité du pollen et à la constuction du tube pollinique. Des flavonoïdes et des polyphénols régulent cette machinerie enzymatique et le stress oxydant (dérivés réactifs de l’oxygène DRO).

Voyage au cœur des histoires de la botanique

Le protéome de la couche pollinique a trois caractéristiques principales. Premièrement, sa composition est cohérente entre les espèces botaniques étroitement apparentées dans une famille comme, par exemple, les composées (tournesol, pissenlit, armoise, ambroisie). Mais ce protéome diffère considérablement entre les familles botaniques divergentes. Ces écarts reflètent les différences fonctionnelles et anatomiques. Ils pourraient expliquer par exemple les diverses caractéristiques structurelles du stigmate (exemple type sec versus type humide), la forme de la corolle florale qui affecte l’accès des insectes pollinisateurs, etc. Deuxièmement, des protéines de l’enveloppe pollinique présentent un grand nombre de formes moléculaires qui présument de fonctions biochimiques différentes en termes de substrats ou de spécificités du processus de reconnaissance pollen – stigmate. Ce large éventail de formes est dû à de multiples gènes et à des modifications de la synthèse des protéines comme la fixation de sucres (glycosylation). Mais, la présence de formes multiples est limitée au sein d’une même famille botanique et elle est plus large dans les espèces végétales différentes. Enfin, beaucoup de ces constituants protéiques sont capables de provoquer une réponse immunitaire allergique chez l’homme (LTP, GRP, etc), mettant ainsi en évidence l’importance de la couche pollinique en tant que source d’allergènes comme nous allons le voir plus loin.

La botanique impacte sur le devenir des grains de pollen. La morphologie de la fleur d’une plante entomophile définit l’accessibilité des étamines et des pollens à un seul ou à plusieurs types de pollinisateurs, comme l’abeille ou le bourdon, et donc agit sur la pollinisation florale. Mais le pollen récolté par l’abeille devient pour une grande partie un aliment pour la colonie : le pollen d’abeille. Le pollen d’une plante anémophile est transporté aléatoirement dans l’air et peut terminer son aventure au contact d’une muqueuse d’un individu ou de la pluie ou dans une flaque d’eau. Dans tous ces exemples, le pollen rencontre l’eau qui le réhydrate ! Lors de la récolte des grains de pollen, l’abeille déclenche une germination pollinique anarchique par choc osmotique. Il s’ensuit une fuite dans le milieu extérieur des lipides et des protéines (dont les protéines allergisantes) et, aussi, des flavonoïdes et des polyphénols. Au contact d’une muqueuse chez l’homme, le pollen entraine un stress oxydant, une inflammation et la libération des protéines allergisantes. Au contact de l’eau de pluie, le pollen se disloque en particules plus petites qui restent en suspension dans l’air et qui sont inhalées dans les poumons.

Voyage au cœur des histoires de l’allergique

A l’exclusion du venin d’abeille, les PR contiennent des pollens floraux : le miel, le pollen d’abeille, le pain d’abeille, la gelée royale. La cire et la propolis brute en contiennent aussi, mais elles sont rarement commercialisées comme aliments. Des études ont montré que plus de 95 % des miels, des pollens d’abeille et des gelées royales comportent des pollens allergisants. Mais la mélissopalynologie permet d’établir que ces pollens allergisants sont 7/10 à l’état de traces, 3/10 à l’état de pollen isolé, d’accompagnement, dominant voire monofloral (entre 3% et 99 %) !

Le potentiel allergénique de ces pollens allergisants dépend de leur masse au sein des PR. D’une part, cette masse varie en fonction de la richesse en pollens de chaque type de PR. La quantité moyenne de 10000 grains de pollen apportée par une dose quotidienne de gelée royale est comparable à celle d’une cuillère à café d’un miel pauvre en pollen. Elle apparaît cinquante fois plus faible que celle d’une seule pelote de pollen d’abeille. D’autre part, le potentiel allergénique d’un pollen ingéré avec un PR n’est pas corrélé au potentiel allergique du même pollen s’il est inhalé (aéroallergène). Cet écart reflète la différence de traitement du grain de pollen butiné par l’abeille qui subit l’action des enzymes des sécrétions de l’abeille.

L’espèce botanique joue aussi un rôle majeur car les pollens de plantes d’une même espèce, qu’ils soient anémophiles ou entomophiles partagent, comme vu plus haut, un protéome comparable et donc les mêmes protéines allergisantes. Les espèces dont les protéines allergisantes sont les plus stables à l’action des enzymes ou à d’autres sources de dénaturation protéique sont les plus allergisantes. Et cela se traduit en pratique : les pollens allergisants des PR en quantité remarquable sont peu nombreux. Ils proviennent des composées mellifères comme le tournesol, le chardon et le pissenlit, et des plantes non mellifères comme l’armoise et l’ambroisie (encore deux composées), les oléacées et les graminées.

Les traitements effectués sur les PR peuvent modifier leur potentiel allergisant. Le chauffage et la lyophilisation favorisent la réaction de Maillard et la glycation des protéines. Or, la réaction de Maillard peut conduire à l’augmentation d’activité des allergènes comme cela a été documenté sur divers types de protéines allergisantes chauffées ou lyophilisées. Celles-ci se lient plus efficacement aux anticorps de l’allergie (IgE) et sont en même temps aussi plus résistantes à l’hydrolyse gastrique. Elles peuvent provoquer des allergies systémiques graves car leur grande stabilité leur permet d’atteindre intactes le système immunitaire gastro-intestinal.

Mais, heureusement, les accidents allergiques liés à l’ingestion de pollens dans les PR par des personnes allergiques aux pollens inhalés sont peu fréquents.

En conclusion, l’allergique pollinique doit être circonspect avant de consommer un PR ou un complément alimentaire en contenant car, à ce jour, aucune réglementation n’impose de communiquer la composition palynologique. La consommation en circuit court d’un PR de l’année d’origine française, conservé au frais ou congelé (selon le PR) et récolté en avril ou mai, semble plus sûre car les pollens de composées sont le plus souvent absents. Les abeilles butinent alors à l’acmé de la pollinisation entomophile printanière, et le risque de « contamination » par des pollens allergisants est diminué. En effet, ces derniers subissent à ce moment la concurrence « déloyale » du pollen de plantes abondamment représentées et attractives que les abeilles préfèrent grandement recueillir. L’allergique à l’armoise ou à l’ambroisie doit être attentif aux PR avec des pollens de composées mellifères ou pollinifères (exemple : miels de tournesol et de pissenlit).

Les PR sont aussi très bénéfiques pour la prise en charge des allergies. Ce sujet fera l’objet d’un futur article.

Interview du Président de l’AFA

 

Bonjour Claude Nonotte-Varly. Vous êtes président de l’AFA. pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

 

Bonjour Henri et à vous tous lecteurs d’Abeilles et Fleurs. Tout d’abord je remercie l’Unaf et Abeilles et Fleurs de m’inviter pour cette interview.

Né en 1960, je suis marié et père de deux enfants. J’exerce la profession de médecin spécialiste en allergologie. Je travaille à l’hôpital de Hyères et en cabinet libéral dans la région de Toulon. Apiculteur amateur, j’ai quelques ruches et j’ai été formé à l’apiculture dans un rucher école de ma région il y a une quinzaine d’années.

J’ai rejoint l’Association Francophone d’Apithérapie (AFA) en fin d’année 2011 au début de la présidence du docteur Albert Becker. J’ai pris la présidence de cette association en janvier 2020 quelques semaines avant le premier confinement lié à l’émergence de la COVID-19.

 

Comment définiriez-vous aujourd’hui l’apithérapie ?

Pour des raisons de clarté, je reprendrai la définition officielle défendue par l´AFA. L’apithérapie est une thérapie humaine et vétérinaire à visée curative et/ou préventive fondée sur l’utilisation des substances bio-physiologiques récoltées et transformées par l’abeille, ou bien sécrétées par l’abeille, ou encore extraites du corps même de l’abeille. Cette définition élaborée par mon prédécesseur, le docteur Albert Becker, a l’avantage de définir l’origine apiaire des différents produits de la ruche. 

Je rajouterai, qu’il existe une dimension transversale à l’apithérapie. Cette transversalité comporte deux notions. La première est que nous citons un nombre précis de produits de la ruche, mais leurs effets curatifs ou préventifs s’exercent à l’égard d’un très grand champ de situations très distinctes. La deuxième notion concerne les domaines d’applications de l’apithérapie et les « prescripteurs » de l’apithérapie. Je vous propose d’y revenir plus loin.

 

Que représente pour vous les produits de la ruche ?

Les produits de la ruche constituent une source de curiosité extraordinaire. Par exemple, lorsque nous étudions les propriétés de la propolis brune de peupliers, il est surprenant de constater comment un produit aussi complexe composé par l’abeille recèle autant de propriétés sur les mécanismes les plus intimes de la cellule. Nous observons aussi comment cette substance résineuse possède autant d’actions qui impactent les mécanismes physiopathologiques. Elle apparaît ainsi apte à corriger diverses défaillances physiopathologiques en fonction de sa concentration en principe actif, de sa galénique et de son mode d’absorption. Et pensons que l’homme n’est toujours pas capable de créer un cocktail aussi élaboré ! Mais, au-delà de cette curiosité, il est fondamental pour la bonne utilisation des produits de la ruche de définir et de caractériser des critères d’efficacité et de qualité. Cela ne peut passer que par la garantie de la répétabilité d’action et par l’absence de nocivité par le respect de critères de production et de contrôle qualité rigoureux.

 

Comment vous y êtes vous intéressés ?

Vous allez rire mais j’ai découvert que j’ai effectué des actes d’apithérapie depuis longtemps dans mon métier, alors que je n’en avais pas même conscience. En effet, dans mon travail j’utilise depuis le début le venin d’abeille, l’apitoxine, pour soigner les personnes allergiques au venin d’abeille.

C’est justement au cours de ces rencontres avec les allergiques au venin, et parmi eux de nombreux apiculteurs, que j’ai découvert la passion de ces personnes à l’égard de l’abeille, passion qu’ils m’ont transmise. À partir de là, les choses se sont rapidement mises en route avec l’apprentissage de l’apiculture dans un rucher école, les lectures de livres d’apiculture et d’apithérapie, les lectures d’articles scientifiques relatant les recherches mettant en exergue les qualités des produits de la ruche et, bien sûr, mon engagement dans l’Association Francophone d’Apithérapie.

J’ai aussi rapidement compris que les connaissances dans le domaine de l’allergologie et de l’apithérapie ouvraient de nouveaux axes d’exploration dans lesquels je me suis engagé depuis une dizaine d’années avec la publication d’une dizaine d’articles publiés dans des revues scientifiques.

 

Comment selon vous est aujourd’hui perçue l’apithérapie dans le grand public ?

Le grand public est actuellement plus curieux et n’hésite pas à exercer son sens critique à l’égard de l’information relative à la prise en charge de sa santé.

Même sans avoir d’étude en bonne et due forme pour appuyer mes dires, il me semble que depuis quelques années les produits de la ruche sont mieux connus dans leur diversité et dans leurs intérêts pour la santé. Par exemple, un plus grand nombre de personnes que je rencontre dans mon travail connaissent la propolis et le pollen d’abeilles, alors même que seuls le miel et la gelée royale étaient communément cités auparavant. De même, il semble que les consommateurs de produits de la ruche effectuent un usage à propos et en raison. Le grand public apparait moins sensible aux mirages d’un marketing qui vous promet tout ! Les efforts de communication pour informer avec justesse le grand public commencent à porter leurs fruits et cela est très encourageant. C’est un travail de longue haleine et encore beaucoup d’efforts sont nécessaires et je reste confiant dans le résultat futur. Les produits de la ruche et l’apithérapie sont gages de naturalité et d’efficacité pour une bonne santé s’ils demeurent de qualité et d’un usage à propos.

 

Le Covid a t’il modifié la perception des produits de la ruche ?

La pandémie de COVID-19 a en effet modifié l’esprit de la population. L’émergence de cette nouvelle maladie, l’ampleur de son développement et l’inconnue initiale de ses impacts pour la santé a entraîné partout sur la Terre la mise en route d’une procédure de protection qui semblait d’un autre âge : le confinement.

À l’échelle de la planète, nous avons assisté à de très nombreuses études pour lutter contre ce nouveau virus. Les produits de la ruche, en particulier la propolis et le venin, en raison de leurs propriétés antivirales, ont fait l’objet d’une attention particulière. Au niveau du grand public, un retour vers la naturalité s’est accentué et nous avons assisté à un regain d’intérêt pour les produits de la ruche comme le miel et la propolis. Des individus en plus grand nombre ont manifesté leur intérêt de connaître plus profondément les raisons pour lesquelles les produits de la ruche peuvent améliorer notre santé.

 

Pensez-vous qu’elle commence enfin à être mieux reconnue par le milieu médical ? (si oui, donnez quelques exemples concrets)

L’apithérapie est connue dans milieu de la santé. Dans le domaine médical, le venin sous forme d’apitoxine, est un médicament. Il est diffusé auprès des hôpitaux et il est utilisé dans le cadre strict de son autorisation de mise sur le marché (AMM) et des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS). Son coût est pris en charge par la sécurité sociale. L’usage du miel est centré sur la cicatrisation sous forme de dispositif médical. Cependant, il ne bénéficie pas d’une prise en charge assurancielle. Il reste donc à la charge du patient, ce qui en limite l’emploi à quelques centres hospitaliers ou à certains praticiens libéraux. Dans la médecine vétérinaire où les médicaments et les dispositifs de soins sont à la charge du propriétaire de l’animal, il est plus diffusé car très concurrentiel, souvent plus efficace et d’un coût inférieur. Le pollen congelé et surtout la propolis voient leur prescription augmenter. La propolis bénéficie du statut de complément alimentaire. Elle est souvent conseillée par les médecins dans le cadre des infections O.R.L. pour ses activités anti-inflammatoires et antiseptiques Son usage apparaît aussi croissant en complément de thérapeutique lourde (chimiothérapie notamment). Nous devons ici mettre en exergue les résultats d’une revue systématique de type Cochrane des publications internationales relatives à l’apithérapie, qui démontre clairement le bénéfice de l’apitoxine et du miel dans certaines indications médicales. C’est une publication brésilienne de 2018 de l’équipe de Rachel Riera. On peut enfin noter quelques projets d’études concernant l’air de la ruche.

 

L’AFA, et l’UNAF y a participé, a été créée en 2008 sous l’impulsion du Professeur Descottes. Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs qui était ce formidable défenseur des produits de la ruche?

Malheureusement, je n’ai pas eu le privilège de rencontrer le professeur Bernard Descottes, son décès ayant eu lieu quelques temps avant ma venue à l’Association Francophone d’Apithérapie. Néanmoins, ses très nombreuses actions et ses très nombreux travaux témoignent de son action prépondérante et de sa volonté farouche à faire valoir l’intérêt des produits de la ruche, notamment le miel, dans le domaine du soin. Il a été, en 2008, un des cofondateurs de l’Association Francophone d’Apithérapie et son premier président. Sous son impulsion et son énergie, les mondes de l’apiculture et de la santé se sont réunis pour défendre un objectif commun : l’apithérapie fondée sur la preuve scientifique et la qualité des produits de la ruche. Ce point a été appliqué notamment pour le développement des miels dits médicaux.

 

Sous la présidence du Docteur Becker, l’AFA s’est renforcée mais plus positionnée vers des orientations purement scientifiques en s’éloignant quelque peu du monde apicole.

Tout au long de sa présidence, Albert Becker a énormément œuvré, avec succès, à la légitimation scientifique et sociétale de l’apithérapie. Il projetait de développer l’apithérapie auprès des professions médicales et paramédicales, convaincu que le succès passerait par le principe du premier de cordée. Il défendait aussi avec énergie le développement d’une filière de production de produits de la ruche de qualité conformément à l’objectif premier de l’AFA. Je rends hommage à son action qui a été grande.

 

Pour vous, l’AFA doit elle être une association scientifique ou doit-elle associer la science et les apiculteurs ?

L’opposition entre une association scientifique et une association qui allie la science et les apiculteurs n’a pas lieu d’être. L’AFA est la maison commune de toutes les personnes sensibles à l’apithérapie. L’AFA défend une apithérapie fondée sur la preuve scientifique ET la qualité des produits de la ruche où le rôle des apiculteurs est fondamental. Les membres de l’AFA sont d’horizons divers, appartenant au monde de l’apiculture, au monde des soins, au monde de la science de l’abeille et de la science de la santé. C’est un exemple de la transversalité de l’apithérapie dont je parlais précédemment. Les formations de l’AFA comportent un solide volet d’apidologie. Ce dernier aborde comment les intrants de la ruche et l’abeille impactent les qualités des produits de la ruche. Une de nos formatrices est une apicultrice professionnelle. Des apiculteurs du groupement de producteurs de gelée royale (GPGR) animent nos formations. Donc l’AFA est le point de rencontre de scientifiques, d’apiculteurs et de professionnels de santé qui partagent l’apithérapie fondée sur la preuve scientifique.

 

Que représente l’AFA aujourd’hui ? Et qu’attendent les personnes qui adhérent à l’AFA ?

L’AFA est riche de 120/130 adhérents provenant des différents profils dont nous avons parlé précédemment. Un grand nombre a participé aux sessions de formations de l’association et participe à la vie de celle-ci. Un grand nombre aussi applique ou ont appliqué l’apithérapie dans leur activité professionnelle ou à titre familial. La structure de l’AFA est celle d’une association loi 1901 avec un conseil d’administration comportant 13 administrateurs duquel est élu le bureau. À côté du CA, un conseil scientifique est composé de 4 membres permanents, de 3 membres invités et de 3 membres francophones cooptés. Le CS valide et réactualise le contenu de la bibliothèque d’articles d’apithérapie réservée à nos adhérents. Il contrôle la pertinence de nos formations et les améliorations proposées par le responsable pédagogique. Les membres du CS participent à la rédaction d’articles de vulgarisation de la rubrique Apithérapie des journaux Abeilles et Fleurs et Abeilles de France, publiés par les deux principaux syndicats apicoles français, UNAF et SNA. Nos adhérents bénéficient d’un journal Afanews dans lequel sont rapportés les éléments de la vie de l’association, ainsi que les actualités et les développements les plus récents apportés à l’apithérapie.

 

Quels sont les objectifs de l’AFA et quelles sont vos priorités ?

L’AFA projette d’être au premier rang des acteurs pour répondre et satisfaire aux nouvelles demandes de notre société en matière de naturalité, de transparence, de traçabilité et de qualité, pour emporter la confiance à l’égard des produits de l’abeille en matière de santé.

L’AFA ambitionne d’être au cœur du développement d’un label ApiQual révélant les produits de la ruche d’excellence pour l’apithérapie, avec la collaboration de producteurs (l’abeille et l’apiculteur), d’utilisateurs (« prescripteurs » d’apithérapie et consommateurs) et de spécialistes de renommée internationale. Il est en effet illusoire de faire de l’apithérapie de valeur sans produit de la ruche de haute qualité ! Voilà un autre exemple de la transversalité de l’apithérapie évoquée précédemment !

L’AFA désire asseoir sa notoriété et sa volonté de coopérer en réseau avec d’autres associations ou fédérations d’apithérapie. Pour cela, l’AFA participe à APIMONDIA, l’organisation mondiale de l’apiculture et de l’apithérapie. En 2019, au Canada, à Montréal, deux membres de l’AFA ont animé deux conférences scientifiques d’apithérapie. Nous projetons de nous rendre en aout prochain à Istanbul, en Turquie, pour APIMONDIA 2022 avec l’objectif de présenter deux ou trois de nos récents travaux. Les congrès d’APIMONDIA sont l’occasion de rencontrer et de tisser des liens avec des personnes d’autres régions de la planète. L’AFA est fière de compter dans ses rangs deux membres de la commission « Apithérapie » d’Apimondia et d’avoir la présidente (d’origine roumaine) de cette commission dans son conseil scientifique.

 

Sur quels sujets tout particulièrement travaillez-vous actuellement ?

Des membres de l’AFA travaillent à des recherches dans différents domaines de l’apithérapie, dont certains sont originaux, voire étonnants.

Récemment, au cours de la pandémie de Covid 19, nous avons mené une étude observationnelle sur l’intérêt contre la Covid 19 d’une complémentation en propolis brune de peuplier titrée en polyphénols. Des résultats intéressants et statistiquement significatifs ont été relevés. Ce travail a fait l’objet d’une publication et nous comptons aussi le présenter à APIMONDIA 2022. Nous avons aussi observé que cette propolis n’est pas anodine, car elle a pour effet secondaire d’inhiber l’action d’un médicament anticoagulant. Communiquer sur ces effets bénéfiques et inattendus permet de donner corps à nos connaissances en apithérapie, ceci participe à la légitimation scientifique de l’apithérapie. Chacun sait que tout principe actif a des effets positifs attendus, mais parfois aussi potentiellement négatifs ou inattendus !

Des articles de recherche originaux publiés en 2019, 2021 et 2022 portant sur l’allergénicité des pollens contenus dans différents produits de la ruche seront utiles à la définition de critères qualité des produits de la ruche de haute qualité dont nous avons parlé précédemment pour le label ApiQual.

D’autres thèmes sont en train d’être explorés, je citerai par exemple le miel dans le domaine de la kinésithérapie ou, de manière plus étonnante, le bourdonnement d’abeille dans le domaine de l’humeur.

 

En partenariat avec des organismes de recherche ?

L’AFA en elle même n’est pas un organisme de recherche, ce n’est pas son objet. De plus, elle n’en a pas les moyens financiers car la recherche a un coût certain, très élevé. Par contre, certains adhérents de l’AFA collaborent à des travaux dans leur réseau professionnel avec des organismes de recherche ou des laboratoires ou des sociétés privées. Dans le respect de la confidentialité, le conseil scientifique ou des membres de l’AFA conseillent ou participent à l’élaboration de protocole de recherche. La transversalité de nos compétences issues de la diversité de nos formations initiales et professionnelles est une véritable richesse. Cette qualité amène à appréhender les thèmes à explorer de manière plus complète ou, parfois, permet d’exploiter plus grandement et selon des nouveaux axes des données numériques scientifiques existantes.

 

L’AFA est aussi un organisme de formation. Vers quel public ?

En effet, un des objets de l’AFA est la formation. L’AFA est enregistrée comme organisme de formation auprès de la préfecture de Lyon. Il ne peut pas être conçu une apithérapie de qualité sans formation structurée de qualité. L’association est riche de formateurs de profils différents et aux compétences complémentaires. Comme nous l’avons vu précédemment, le responsable pédagogique travaille de concert avec le conseil scientifique à l’élaboration des formations. Depuis quelques années l’AFA est certifiée Datadock, et depuis octobre 2021 elle est certifiée Qualiopi. Ceci permet à notre public de bénéficier de la prise en charge financière des formations par des organismes tiers payeurs. Par exemple, les apiculteurs peuvent bénéficier d’une prise en charge par VIVEA. Nous avons aussi des stagiaires financés par Pôle Emploi,… Cependant à ce jour, les formations de l’AFA ne peuvent pas être financées par le compte personnel de formation (CPF).

Conformément aux statuts de l’AFA, nous diffusons des formations à l’égard d’un très large public. L’AFA reçoit en formation des apiculteurs, des praticiens de santé, des professionnels médicaux ou paramédicaux, des individus en reconversion professionnelle ou encore des personnes curieuses de découvrir l’apithérapie. Bien sûr, nos formations répondent aux attentes des stagiaires et sont élaborées au regard de leurs connaissances dans le domaine de l’apithérapie et de l’abeille.

 

Quels sont les principaux formateurs ?

L’association compte une bonne dizaine de formateurs qui interviennent dans les deux niveaux de formations proposées.

La parité est respectée puisque nous avons Noémie, Garance, Valérie, Marion, Sandie, Danièle et aussi Nicolas, Philippe, Patrice, Tarik et Claude.

Certains formateurs sont intégrés au cursus de formation de Conseiller en apithérapie de prévention et de bien être, organisé depuis deux ans par Agricampus Hyères avec l’appui d’un fond d’innovation pédagogique de la région PACA. Agricampus Hyères est un établissement d’enseignement public dépendant du ministère de l’agriculture. Au terme de la deuxième session en cours, Agricampus Hyères présentera auprès de France Compétence une demande de certification professionnelle pour cette formation de conseiller en apithérapie de prévention et de bien-être.

 

Quelles sont les demandes les plus courantes des stagiaires ?

Les demandes et les attentes des stagiaires témoignent de la transversalité de l’apithérapie. Par exemple, des apiculteurs désirent se former à la production de produits de la ruche de qualité apithérapeutique et connaître les fondements scientifiques des effets de prévention et de bien-être des produits de la ruche. Ses connaissances leur permettent d’une part de valoriser leur production et d’autre part d’argumenter l’intérêt de la consommation des produits de la ruche pour la santé et le bien-être auprès de leur clientèle. Parfois, c’est le compagnon ou la compagne collaborateur de l’apiculteur qui désire proposer un conseil d’apithérapie de prévention ou de bien-être, et qui vient se former pour un conseil judicieux et bien construit. Nous avons des praticiens de santé (par exemple naturopathe) qui voient en l’apithérapie de prévention une source de conseils intéressants pour leur activité de conseil libéral. Bien souvent, ils découvrent les produits de la ruche, la ruche et l’abeille. Les professionnels de santé médicaux et paramédicaux viennent apprendre comment utiliser les produits de la ruche dans un but curatif et/ou préventif. Notre objectif est alors de former les stagiaires dans le respect de leurs attentes et de leurs prérogatives réglementaires.

En somme et pour conclure Henri, l’AFA s’est donné pour mission de résoudre la quadrature du cercle de l’apithérapie : faire rentrer dans la ronde les quatre angles d’approche de l’apithérapie : les sciences médicales et apidologiques, la qualité des produits de la ruche, la formation ad hoc des divers « prescripteurs », le respect du consommateur et de la réglementation.

 

Merci Claude. Nos lecteurs vous retrouveront au Congrès Européen  de Quimper en octobre où l’AFA disposera d’un stand et élaborera le programme apithérapie en lien étroit avec l’UNAF.